… Une approche psychologique créée par un survivant des camps de concentration.

Ce terme, inventé par le psychiatre Viktor Frankl, fait référence à la capacité de choisir notre réaction à des événements négatifs. En ces temps de pandémie mondiale, il nous a semblé qu’il pourrait être bénéfique au plus grand nombre de s’approprier la notion.

J’ai, au cours des derniers mois, reçu en séance de thérapie existentielle plusieurs personnes qui étaient complètement déboussolées par la crise sanitaire mondiale. La plupart d’entre elles attendaient clairement de moi, en ma qualité de thérapeute centré sur le sens de la vie, que je transmette un message positif ou que je leur confirme que la « pensée positive » mise en avant dans la presse psycho était la chose qui résoudrait tout. In fine, tous me demandaient des conseils sur la manière de gérer la crise de la COVID-19 et ses répercussions sur leur vie personnelle, sociale et économique, et ce qui était notable, c’était leur conviction qu’il était vital de maintenir un état d’esprit positif et une pensée positive.

Dans l’immense majorité des cas, c’est avec stupéfaction qu’a été accueillie mon opinion qui est que dans une situation comme celle-ci, et dans la vie en général, il y a quelque chose de beaucoup plus utile et de plus mature que la pensée positive : la pensée réaliste.

« Mais n’est-ce pas la même chose que d’être négatif et résigné face à la situation actuelle ? » m’ont rétorqué la plupart des personnes. Bonne question. La réponse est « oui et non », où le « non » est un non sur lequel nous pouvons fonder nos espoirs.

Psychothérapie existentielle logothérapie

Viktor Frankl, le célèbre psychiatre viennois qui a survécu à quatre camps de concentration et a ensuite fondé une psychothérapie axée sur la volonté de sens (appelée logothérapie et analyse existentielle), a inventé un terme très intéressant : l’optimisme tragique. Terme qui, en bref, signifie la même chose que le « oui et non » que j’ai mentionné. De nombreuses recherches en psychologie montrent qu’il s’agit d’un concept très utile, surtout dans les moments difficiles, car il nous permet d’être lucide et d’accepter le mal (les limites, la souffrance etc), mais aussi d’être conscient que nous pouvons décider de la manière de réagir à tout ce qui se passe, que nous demeurons libres de la réponse que nous apportons à la vie, même quand les conditions nous déplaisent. Voyons comment traduire cette démarche dans notre vie quotidienne aujourd’hui.

La première conclusion est que nous pouvons décider de certaines conditions. Il est clair que le coronavirus nous confronte à une crise immense qui ne disparaîtra pas avec la pensée positive. Soyons réalistes et reconnaissons cela. Mais une évaluation réaliste ne s’arrête pas là : elle cherche aussi des choses que nous pouvons changer, elle examine notre liberté de décider comment nous réagissons à une situation. Dans quelle mesure cela nous implique-t-il ? Comment décidons-nous de faire face à la crise ?

Un jour, tout ce qui se passe aujourd’hui sera devenu de l’histoire, une histoire à la fois collective et individuelle. Que penserons-nous alors de cette histoire et que diront les générations futures non seulement de la pandémie, mais aussi de notre comportement ? Serons-nous un modèle pour ces générations ? C’est ce que nous pouvons et devons décider aujourd’hui, maintenant, chacun d’entre nous, en tant que collectif et en tant qu’individus.

Lorsque je regarderai en arrière, pourrai-je reconnaître avec gratitude que oui, ce fut une période difficile, mais qu’au moins j’en ai fait le meilleur usage ? Ou pourrai-je dire que j’ai fait de ma maison, grande ou petite, un lieu chaleureux et accueillant pour tous ceux qui y vivent ou la visitent, un sanctuaire de valeur dans ce vaste monde en crise ? Vais-je dire que j’ai aidé mes parents et voisins plus âgés ? Me rappellerais-je que j’ai profité de cette période d’isolement involontaire pour mettre de l’ordre dans mes papiers ou dans d’autres domaines nécessitant une attention particulière… Ou pour passer un temps précieux avec ma famille, pour appeler ou écrire à des amis et des parents isolés, peut-être même pour apprendre une langue ou une nouvelle compétence… Ou devrai-je admettre que je ne me suis intéressé à rien et que j’ai gâché cette pause inattendue ?

La deuxième conclusion est qu’il faut structurer chaque jour et le gérer indépendamment des autres. Pas à pas. Décision par décision. Tâche par tâche. Les périodes de crise ne sont pas le moment idéal pour entreprendre de grands projets nouveaux et ambitieux. Gérer chaque jour et chaque semaine est déjà un grand triomphe, comment en serait-il autrement ? La vie se déroule ici et maintenant, sous nos yeux. Nous devons commencer par la vie quotidienne, par ce sur quoi nous avons prise. Il s’agit de rangez notre maison, littéralement et métaphoriquement, c’est à dire façonner à la fois son intériorité et son environnement afin d’en éradiquer les sources de non-sens (de non-valeur ou de pseudo-valeur).

Troisièmement, nous devrons faire ce qui est nécessaire, mais le faire différemment, il s’agit de partager les tâches et de mobiliser la responsabilité individuelle et l’attention sur le collectif. En d’autres termes, il est important que chaque membre de la famille ait la responsabilité de remplir ses tâches quotidiennes, comme faire la cuisine pour lui-même, pour la famille ou pour les enfants. Mais il s’agit surtout de le faire avec un peu plus d’attention, d’amour, de dévouement. Si nous devons le faire de toute façon, pourquoi ne pas transformer les choses à travers notre façon de les faire ? Dit très clairement, il est très différent de préparer un repas « parce que c’est une corvée obligatoire de parent » et le faire « parce que c’est une contribution volontaire à l’unité et à l’épanouissement de la vie de famille ». Surtout quand beaucoup de gens sont confinés dans la même maison, il est important que chacun comprenne que le climat qui règne dans ce microcosme dépend de chacun.

Quatrièmement : nous devons remplir notre maison et nous-mêmes de bonté. Il n’est rien de pire pour un être humain que de sentir être insignifiant et les études nous montrent que la gentillesse et la bienveillance sont contagieuses. Parlons-nous avec gentillesse, attention, compréhension et responsabilité. C’est également vrai pour les personnes qui vivent seules ; peut-être même plus, car c’est une chose pour elles de se nourrir physiquement, et une autre d’être de bonne compagnie pour elles-mêmes, de prendre soin d’elles et de se respecter. Soyons gentils avec nous-mêmes et avec les autres. Que nous vivions seuls ou que nous fassions partie d’une grande famille, quel autre moment est plus approprié que maintenant pour être notre meilleure et plus aimable version de nous-mêmes ?

Nous serons alors des modèles pour nos enfants, qui apprendront beaucoup plus qu’à l’école : surtout que, quoi qu’il arrive, nous avons toujours une grande liberté pour décider comment réagir en temps de crise.

S’ils retiennent cette leçon, nous aurons alors toutes les raisons d’être confiants que le monde post-COVID disposera d’une nouvelle génération capable de reconstruire un monde aujourd’hui ébranlé par la crise.