Psychothérapie existentielle logothérapie

La volonté de sens

Viktor E. Frankl, professeur de neurologie et de psychiatrie à l’Université de Vienne, était un survivant de la terreur et de la famine qui sévissaient dans les camps de concentration nazis. Il est le fondateur de la logothérapie (pratique de psychothérapie existentielle) et de l’analyse existentielle (vision philosophique de l’Etre Humain) qui sont enseignées dans le cadre de la formation en psychothérapie existentielle proposée par l’Approche PEARL.

Après avoir correspondu avec Freud à l’âge de 16 ans et travaillé avec Adler, Frankl a jugé nécessaire de s’appuyer sur ces fondements et d’ajouter une dimension spécifiquement humaine aux perspectives bio-socio-psychologiques déjà établies par ses prédécesseurs psychanalystes. Le résultat fut le concept de  » volonté de sens  » par opposition aux volontés de plaisir et de pouvoir respectivement mises en avant par Freud et Adler.

La volonté de sens, ou le désir de comprendre le but de sa propre vie, est la motivation humaine de base en analyse et en psychothérapie existentielle. Frankl affirme que la motivation fondamentale de l’être humain consiste dans la recherche de sens, et non pas dans le primat du principe de plaisir, situé au coeur de la Métapsychologie (Freud), ou du principe de puissance (Adler). Selon Frankl, le principe de plaisir et le principe de puissance constituent, à tout prendre, deux modalités du principe de sens. Il voit cette motivation comme étant plus fondamentale même que le désir d’éviter la souffrance. En effet, il souligne que la personne humaine, contrairement à l’animal, sacrifiera le plaisir ou choisira de souffrir si elle y voit une signification transcendante pour le bien d’un autre ou pour une cause dans laquelle elle croit.

Frankl affirmait donc que le but ultime de l’homme était de trouver un sens à la vie. En utilisant la logothérapie, le praticien en psychothérapie aide les personnes « frustrées existentiellement » à trouver un sens à leur vie.

Bien que le Dr Frankl ait formulé sa théorie avant son envoi à Auschwitz en 1944, son expérience dans les camps de concentration lui en a fournit une confirmation empirique. Lui-même, frappé par les attaques du typhus, s’efforça de rester éveillé et en vie en griffonnant des notes sur des bouts de papier afin de réécrire le manuscrit confisqué de son livre. Il écrit :  » Ce n’est qu’après que ma théorie ait été soumise à la dure épreuve du camp de concentration que je me suis senti légitime de proposer une approche qui portait un tel coup au nihilisme et au fatalisme qui prévalent. Une orientation sensée maintient les hommes en vie dans les pires circonstances. Seuls ont survécu ceux qui avaient une orientation de sens « .

Les thérapies existentielles ne visent pas la paix de l’esprit mais la tension vers un sens à accomplir

Comme toutes les autres approches de psychothérapie existentielle, la logothérapie réoriente les personnes vers le sens qu’elles doivent trouver dans la vie en leur faisant prendre conscience des valeurs qui devraient être actualisées par elles et qui ne peuvent l’être que par elles-seules. Aider une personne à trouver le sens de sa vie ne revient pas à lui donner des réponses, mais à l’accompagner dans la nécessaire confrontation aux questions et limites que sa vie lui propose.

sens de la vie thérapie existentielle

La logothérapie et le concept de « volonté de sens  » entrent en contradiction directe avec l’orientation classique de la psychothérapie qui plaide en faveur de la réduction des  » tensions « . « Je suis contre l’idée de la tranquillité d’esprit à tout prix« , déclare Frankl. « Dans la mesure où la volonté de sens de l’homme peut parfois susciter une tension intérieure, il existe une certaine  » agitation du cœur « qui ne cesse pas tant que l’homme n’a pas rempli sa mission Ainsi, la  » tranquillité d’esprit  » est le résultat ou l’effet secondaire de la réalisation d’une tâche qui nous incombe plutôt qu’une fin en soi. Il en va de même pour l’épanouissement personnel qui ne doit pas devenir un but et qui est manqué à chaque fois que nous en faisons notre objectif de vie. L’homme s’actualise de manière précise et uniquement dans la mesure où il a actualisé des valeurs spécifiques.

Frankl souligne que le sens de la vie diffère d’une personne à l’autre et que seul l’individu lui-même peut répondre à la question « quel sens a ma vie ? ». Une personne répond à cette question par son engagement existentiel et non par une verbalisation. Autrement dit, « ce qu’est le sens de ma vie relève d’une décision plutôt que d’une opinion ». Selon Frankl, l’aspect le plus important de sa pensée est que :  » personne ne peut être épargné de la responsabilité de répondre à cette question « .

Ainsi, l’une des idées les plus importantes de Frankl est que ce n’est pas la personne humaine qui questionne le sens de la vie, mais plutôt la vie qui demande quelque chose à la personne humaine. Il explique: « Nul ne doit chercher de manière abstraite le sens de la vie. Chacun doit trouver au cours de sa vie sa propre vocation ou sa mission spécifique, ce qui demande de s’y impliquer de manière concrète et entière. Chacun est irremplaçable, et aucune vie ne se répète. Ainsi la tâche de chacun est unique, de même qu’est unique sa possibilité de l’accomplir. ».

Le caractère éphémère de notre existence ne lui enlève pas son sens.

En thérapie existentielle, on considère donc que le sens de la vie n’est pas un concept abstrait, mais une réponse à donner, une quête à mener, en prenant notre propre vie en main. Pour y parvenir, Frankl rappelle que (Triade existentielle) l’être humain dispose :

  • du libre-arbitre (liberté) ;
  • il est responsable de ses choix et de ses actes ;
  • et il est surtout un être doté de conscience (conscience de soi, conscience morale).

C’est pourquoi l’Approche PEARL,  dans sa formation en psychothérapie existentielle considère la responsabilité comme l’essence même de l’existence humaine, et que le principal vecteur d’intervention thérapeutique de la logothérapie consiste dans ce que V. Frankl qualifie de « clinique des orientations de sens   » qui consiste en synthèse à aider une personne à  » identifier un ou des projets sensés à ses propres yeux.  »

 

La recherche des valeurs en psychothérapie existentielle

Le praticien en psychothérapie existentielle a, selon l’Approche PEARL, comme tâche première d’identifier avec la personne les tensions spécifiques qui sont à l’œuvre chez elle à ce moment de son existence. Cela implique, pour le psychopraticien formé à la thérapie existentielle, d’une part d’accompagner la personne pour qu’elle puisse décrire sa situation avec précision et d’autre part de mettre entre parenthèse ses propres représentations pour s’approprier la carte du monde de la personne qui le consulte. Comprendre la vision du monde et les états internes qu’elle engendre, c’est s’intéresser à la façon dont une personne donne du sens, ce qui signifie découvrir ses valeurs et ses croyances.

En psychothérapie existentielle, les circonstances particulières de la vie de la personne sont écoutées et accueillies, tout comme le contexte plus large dans lequel elles s’inscrivent. Le processus psychothérapeutique consiste alors à expliciter, clarifier et mettre en perspective toutes les difficultés et contradictions qui sont génératrices de tension ou de mal-être.

Une grande partie du travail en thérapie existentielle consiste à permettre à la personne de faire face aux contradictions inhérentes à la vie humaine. Une autre partie consiste à aider la personne à trouver une orientation satisfaisante pour sa vie future en reconnaissant pleinement les paradoxes auxquels elle doit faire face.

Le but d’une thérapie existentielle est de questionner les extrêmes opposés non pas pour établir un compromis ou un but « a minima », mais pour mettre à jour ce que constituent les valeurs optimales d’une personne dans une situation donnée.

En fin de compte, la démarche thérapeutique dans une approche existentielle de psychothérapie consiste à permettre à une personne de récupérer sa liberté personnelle, sa volonté et sa capacité à s’ouvrir au monde dans toute sa complexité. Parvenir à vivre authentiquement avec courage et dans l’humilité est un des principaux objectif d’une thérapie existentielle. Apprendre à réfléchir pour soi-même et communiquer efficacement avec les autres en est un autre. Le postulat de cette approche pourrait être résumé ainsi : « Une personne est subjectivement préparée à affronter n’importe quelle anxiété inévitable quand elle est convaincue (consciemment ou inconsciemment) que les valeurs qu’elle obtiendra ou actualisera du fait d’avancer dans la vie sont supérieures à celles qu’elle tente de préserver en fuyant ».

La psychothérapie existentielle peut prendre différentes formes et impliquer différents aspects de l’existence, mais elle exige toujours une exploration philosophique de ce qui est vrai pour la personne. Lorsque cette exploration est conduite de manière satisfaisante et complète, elle conduit souvent à une plus grande reconnaissance de ce qui est vrai pour les êtres humains en général, c’est à dire les données de la condition humaine. Ceci est le début d’une position véritablement philosophique qui peut faciliter la traversée de moments d’adversité et la rencontre avec des situations limites inévitables, pour reprendre le vocable de Karl Jaspers dans « Introduction à la philosophie ». Avec le temps, cela peut même conduire à cet objectif de toute philosophie si difficile à atteindre : la sagesse. C’est cette sagesse, ce logos, qui permet de vivre en considérant que tout ce qui Est vaut la peine d’être vécu.