Au départ, c’est simplement l’histoire d’une rencontre avec une consœur thérapeute, qui travaille non loin de chez nous. J’ai entendu dire beaucoup de belles choses sur elle notamment sur le fait qu’en thérapie avec elle, on se sent comme co-habitant le même espace et le même temps, comme un co-locataire volontaire du monde thérapeutique et non comme une personne forcée de consulter un médecin parce qu’elle a une pathologie ou un dysfonctionnement qui l’oblige à faire acte de présence. Ce sont des valeurs que nous partageons à l’Approche PEARL.

Alors, quand au détour d’un repas partagé elle suggère l’idée que je lui donne mon avis sur son ouvrage « Aimer, c’est prendre le risque de la surprise », c’est avec une curiosité bienveillante que je réponds spontanément : « mais oui, bien entendu ! ».

L’ouverture à l’altérité, à l’inattendu, à la beauté de ce changement permanent que nous offre la rencontre avec l’autre lorsqu’elle est dépouillée de nos vernis protecteurs. Serait-ce le sens du mot aimer ?

Comme souvent chez moi, et visiblement chez de nombreuses personnes suroccupées, le moment du passage à l’action s’accompagne de la mise en route d’un dialogue intérieur portant sur le bien fondé de l’aventure qui s’apprête à débuter…

Il faut dire que j’en ai lu et utilisé des ouvrages, bons ou moins bons, qui nous expliquent « Les 5 langages de l’amour », « Qui sont ces couples heureux », « La Sainte folie du couple » et bien entendu « Le couple mode d’emploi ». Alors pour, moi, les sujets de l’amour, de la rencontre amoureuse, et du couple, relèvent un peu du marronnier du développement personnel. Ceci dit, j’ai lu aussi « Amour et Volonté » de Rollo May, « Le Bourreau de l’Amour » de Yalom, et bien entendu le monument : « L’Art d’Aimer » d’Erich Fromm.

Bref, qu’il est difficile d’écrire quelque chose de pertinent, me disais-je, sur un sujet aussi « tarte à la crème », vieux comme le monde et sur lequel il est aisé de verser dans la méthode simplificatrice ou de s’évaporer dans l’abstraction soporifique. Allais-je retirer quelque chose de nouveau de ces heures passées à lire l’ouvrage ?

In fine, je décidais, après m’être consulté, de m’en tenir à ma décision première : mettre entre parenthèses tous mes présupposés, toutes mes attentes et me placer dans une attitude de non-savoir temporaire afin de m’ouvrir véritablement à la rencontre en dépit du risque d’être déçu, appréhension qu’il me fallait aussi mettre en suspens d’ailleurs, pour ne pas fausser la rencontre.

Imaginez, c’est un peu comme si on vous disait : « ferme les yeux, mets ta main dans cette boite, car dedans il y a quelque chose d’inconnu et de complexe à la fois. Touches-le, sens-le et ressens-le en me décrivant ce que tu vis au fur à mesure que tu en fais l’expérience, tout en restant ouvert à ce qui vient après. S’il te plaît découvres, déplies, ne figes pas : ce sera peut-être douloureux mais sensé, triste mais aussi drôle, amer et en même temps doux, excitant bien qu’angoissant ».

Epoche-Rencontre-Amoureuse

Cette chose que nous découvrons dans toute sa complexité, sous toutes ses facettes : c’est l’Amour

L’approche est originale, dépouillée de présupposés, fraîche et enthousiasmante à la fois. Le livre explore avec habileté les névroses collectives de notre temps où la virtualité et l’immédiateté deviennent des protections, illusoires certes, contre notre vulnérabilité fondamentale. Y sont présentés de manière compréhensible, efficace et toujours pertinente des concepts issus de la psychanalyse humaniste, de la phénoménologie et de l’existentialisme tels que l’angoisse de la séparation, la temporalité, l’inversion des modes « Etre » et « avoir », ou les mécanismes d’adaptation au monde.

Chacun des chapitres est illustré de cas concrets qui parleront à tout le monde, et l’ouvrage regorge de suggestions d’exercices nous proposant de nous renconnecter à ce que signifie pour nous « Etre Humain ».

Disons-le clairement, ce livre est une invitation à nous confronter avec courage à ce mystère qu’est la question du sens de l’existence. On en ressort avec une vision nette : l’existence est tissée d’incertitude et c’est pour cela que l’anxiété l’accompagne de manière inéluctable, jusque dans l’amour. Mais c’est parce que nous sommes libres de choisir ce qui a de la valeur à nos yeux et de choisir comment nous relier au mieux à la vie et au contexte d’expérience sans cesse changeant qu’elle nous propose que celle-ci vaut la peine d’être vécue.

Mon avis est en somme : je n’avais pas trouvé de livre en français adressé au grand public (comprendre : pas spécifiquement écrit pour l’entre-soi des thérapeutes ou des philosophes) qui traite aussi bien d’un thème central de l’existence humaine depuis bien longtemps. Cécile Guéret, nous propose une phénoménologie de la rencontre amoureuse qui m’a conquis.

Ce que j’en retiens : aimer c’est dire Oui à la vie en dépit de l’incertitude qui l’accompagne, c’est donc décider de transcender l’insécurité affective par un surplus de sens, c’est se concentrer sur ce qui a le plus de valeur, sans s’aliéner pour autant.