Principe clé de la psychothérapie existentielle : la confrontation aux enjeux ultimes de l’existence

Les thérapeutes doivent aider les personnes qui les consultent à affronter leurs peurs les plus profondes et les inquiétudes liées aux défis inévitables de la vie, y compris la mort, l’isolement et le manque de sens.

Alors que les préoccupations ultimes qui structurent et limitent notre existence – la mort, la liberté, l’isolement et le manque de sens – peuvent être douloureuses, sources d’angoisse, et même nous mener à des situations tragiques, il est possible de les apprivoiser en nous interrogeant sur la condition humaine et en travaillant activement à l’acceptation du sort qui nous lie tous.

La thérapie proposée passe par la confrontation de la conscience de nos blessures et angoisses passées et présentes, pour mesurer qu’aujourd’hui, si nous n’avons pas été responsables de ces blessures infligées, nous sommes responsables et pouvons être auteurs et créateurs d’un nouveau chemin de vie avec toute la conscience de nos limitations actuelles (parfois aussi liées aux conséquences de notre passé) et donner un sens à une nouvelle existence.

Ainsi, les thérapeutes existentiels pensent que les clés de la vie bonne se trouvent dans l’auto-réflexion, l’exploration philosophique, l’expansion de la conscience et l’acceptation de la condition humaine. Cela se fait en explorant l’importance du choix et d’agir de manière authentique et responsable face à son propre bonheur, toujours à construire.

La thérapie existentielle ne fuit pas devant les réalités qui fondent la condition humaine. Aussi effrayantes qu’elles puissent paraître, il convient de les affronter comme de nouvelles perspectives de vie. En intégrant les données mêmes qui fondent notre humanité, nous avons l’opportunité de faire de notre vie une œuvre d’art unique, une création authentique et singulière, faire de chaque instant de notre existence une réalité porteuse de sens qui n’a jamais été et qui ne sera plus jamais.

Psychothérapie existentielle et données de la condition humaine

La mort est peut-être la plus évidente des préoccupations fondamentales. Alors que la vie est la « possibilité de la possibilité » (Kierkegaard), la mort est « l’impossibilité d’une autre possibilité » (Heidegger) c’est à dire la frontière ultime qui limite et structure notre existence. L’idée sous jacente exploitée en psychothérapie existentielle est que le conflit existentiel clé découle de cette tension entre la conscience de l’inéluctabilité de la mort et le désir de continuer à être.

Est ainsi née l’idée que la conscience de notre finitude, et par voie de conséquence, la peur de la mort influeraient grandement sur notre manière d’appréhender la vie. Dit autrement, il serait terriblement angoissant de penser à chaque instant que je peux mourir dans l’instant d’après. Pour éviter que toutes les ressources psychiques d’un individu soient accaparées par une telle angoisse, la pensée de la mort doit être correctement contenue en dehors de l’esprit conscient, par des mécanismes de répression ou de sublimation.

psychothérapie existentielle peur de la mort

Robert Jay Lifton, psychiatre et auteur, a proposé l’idée que les êtres humains répriment la peur de la mort en tentant de réaliser ce qu’il a appelé « l’immortalité symbolique ».

Selon lui, il existe trois types de stratégies pouvant être mise en place pour atteindre l’immortalité symbolique :

  • le mode biologique, qui consiste à « survivre » à travers sa progéniture
  • le mode théologique, qui consiste à croire en une vie après la mort ou à la réincarnation,
  • le mode créatif, qui consiste à tenter de pérenniser sa présence à travers une ou plusieurs œuvres ou contributions.

Certains auteurs ont toutefois noté qu’il y a un danger à trop réprimer la peur de la mort, arguant que nous avons besoin qu’un peu d’angoisse de mort s’infiltre jusqu’à notre conscience pour nous inviter à vivre plus pleinement. Dans son livre intitulé « Thérapie Existentielle », Irvin Yalom a bien résumé les avantages de se familiariser plus étroitement avec sa peur de la mort :

« Un déni de la mort à n’importe quel niveau est un déni de notre nature fondamentale et entrave progressivement notre capacité à faire l’expérience consciente de notre vie. L’intégration de l’idée de mort nous sauve ; plutôt que de nous condamner à des existences empreintes de terreur ou de pessimisme, elle agit comme un catalyseur pour nous plonger dans des modes de vie plus authentiques, et elle améliore notre plaisir de vivre notre vie. »

Alors que la mort est la plus évidente des préoccupations fondamentales, la liberté est peut-être la plus surprenante de la liste. On suppose en effet généralement que la liberté est intrinsèquement désirable, mais très souvent les individus craignent la vraie liberté et, selon les termes d’Erich Fromm, ils peuvent même développer une « peur de la liberté ».

Être libre signifie être responsable de sa vie, l’auteur de sa propre destinée. En raison de la gravité et de l’importance écrasante de cette tâche, les gens fuient fréquemment la liberté et donc la responsabilité qui est la leur de déterminer leur propre voie, et de dessiner leur propre vie.

Pour reprendre la métaphore d’Abraham Maslow parlant de « complexe de Jonas » il est certainement vrai que beaucoup d’entre nous échappent à nos vocations (appel, destin, tâche dans la vie, mission…) en invoquant des limitations (le temps, les obligations…) qui sont en fait autant d’excuses nous permettant de rester dans le domaine du connu pour éviter de faire face à l’angoisse découlant de la responsabilité des choix que nous pourrions faire si nous exercions notre liberté.

Beaucoup de praticiens en psychothérapie existentielle ont suggéré que, lorsqu’on ignore notre « nature d’Homme Libre » et que l’on vit ainsi de manière inauthentique, il est possible de retrouver le chemin vers une existence authentique à l’aide des sentiments de culpabilité. A ce titre Irvin Yalom écrit : « Celui qui ne parvient pas à vivre aussi complètement que possible, éprouve un sentiment profond et puissant que je désigne ici comme « culpabilité existentielle» … la culpabilité existentielle est une force constructive positive, un guide rappelant quelqu’un à lui-même ».

Psychothérapie existentielle et la liberté
Solitude existentielle et psychothérapie existentielle

Dans la mesure où l’on accepte notre liberté, et donc le fait que l’on est responsable de notre destin, on est confronté à la constatation effrayante que l’on est seul face à cette liberté, notamment face à celle de la conscience. Personne ne peut être libre à ma place, personne ne peut voire le monde à travers mes yeux, et encore moins même vivre ce que je vis, puisque précisément personne n’est moi dès lors que j’exerce cette liberté.

L’Homme libre ne se réfère pas à une morale externe, à une religion ou à d’autres valeurs extérieures, il est son propre maître et ne dépend de personne pour ses choix. L’enjeu ici est que la pleine conscience de sa liberté nous confronte à notre responsabilité et, par voie de conséquence, à expérimenter de la culpabilité.

L’isolement existentiel, se référant à « un fossé infranchissable entre soi-même et tout autre être », est donc une autre préoccupation fondamentale à laquelle chacun devra faire face au cours de son développement psychologique. Le fait que de manifester sa liberté existentielle engendre une conscience de l’isolement fondamental explique pourquoi beaucoup de gens se détournent de leur démarche d’individuation préférant plutôt soulager leur sentiment de solitude par la conformité et l’immersion dans la masse.

C’est Erich From dans son livre intitulé « la peur de la liberté » qui a, le premier, établi un lien intime entre l’isolement existentiel et la conformité : « … il adopte entièrement le genre de personnalité qui lui est offert par les modèles culturels; Et il devient donc exactement comme tous les autres sont et comme ils attendent qu’il soit. L’écart entre le «je» et le monde ,disparaît et avec lui la crainte consciente de la solitude et de la vulnérabilité… La personne qui abandonne son individualité et devient un automate, identique à des millions d’autres automates autour d’elle, n’a plus à se sentir seule et angoissée. Mais le prix qu’elle paie, cependant, est élevé; C’est la perte d’elle-même. »

Le chemin pour devenir un individu à part entière exige que l’on ne fuie pas cet isolement, mais qu’on l’embrasse, qu’on accepte la souffrance qui l’accompagne et qu’on développe la capacité de faire face activement au sentiment d’être seul, par exemple en admettant que les autres sont tout aussi fondamentalement isolés que nous, mais que cette solitude existentielle nous relie, puisque nous sommes tous concernés par la même tragédie.

Le sentiment d’être seul et abandonné par le monde nous amène fort logiquement à nous interroger sur le sens de la vie, une autre préoccupation fondamentale avec avec laquelle chaque individu doit lutter.

Viktor Frankl psychothérapie existentielle analyse existentielle

Pour Viktor Frankl, l’être humain peut découvrir ou se relier au sens de la vie de trois façons différentes :

  • Réaliser une oeuvre ou une « bonne action » permet de manière évidente de donner un sens à sa vie. Il s’agit de mobiliser ses capacités d’auto-transcendance (participer à quelque chose de plus grand que soi).
  • Faire l’expérience de la bonté, de la vérité, de la beauté, connaître le caractère unique d’un être humain à travers l’amour, est la deuxième manière de donner un sens à sa vie. L’amour est la seule façon de connaître l’essence d’une autre personne. Il révèle à celui qui aime les caractéristiques essentielles de la personne aimée et même les possibilités qu’elle n’a pas encore réalisées. En outre, grâce à l’amour de l’autre, cette même personne prend conscience de ses potentialités et s’efforce de les réaliser.
  • Il est possible de trouver un sens à sa vie même dans une situation désespérée. L’important est alors de faire appel au potentiel le plus élevé de l’être humain, celui de transformer une tragédie personnelle en victoire, une souffrance en une réalisation. Lorsqu’on ne peut modifier une situation – si l’on est face à la mort inévitable – on n’a pas d’autre choix que de se transformer. La souffrance cesse de faire mal au moment où elle prend un sens, elle devient alors un acte sacré, un sacrifice.

L’Approche PEARL et les enjeux de la conditions humaine

La pratique de la psychothérapie dans l’Approche PEARL est existentielle : on y raisonne en termes d’« éprouvé » plus qu’en termes « d’expliqué »

L’Approche PEARL identifie comme principes majeurs de sa psychothérapie existentielle :

  • La recherche de lucidité sur la condition humaine, y compris les défis, les potentiels et les limites inhérentes.
  • La reconnaissance de l’importance des aspects individuels, relationnels et culturels comme ciment du sentiment d’identité et d’estime de soi.
  • L’acceptation du caractère paradoxal de l’être humain pris entre le besoin d’appartenance à la société (dimension sociale) et le besoin de manifester sa singularité (dimension personnelle).
  • Le fait que les données existentielles (la condition humaine), bien que communes à tous, sont définies, comprises et expérimentées par chacun de façon spécifique. Ces données existentielles sont :
    • la mort et le rapport à la finitude ;
    • la liberté et le rapport à la responsabilité et à la culpabilité ;
    • l’isolement et la recherche de connexion ;
    • les valeurs/le sens et ses modes de réalisation.
Principes pratiques de la psychotherapie Existentielle Humaniste Approche PEARL

Ces données de l’existence sont parfois considérées comme des défis posés à chacun d’entre nous, parfois comme des problèmes universels que toutes les personnes connaissent. La réponse que chacun donne à ces défis ou problèmes est influencée par des aspects personnels (histoire de vie) et culturels (croyances et valeurs).